Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
...LE RESTE...
...LE RESTE...
Archives
13 mai 2006

Tennis Court

tennis_court

La nuit commence en France, dans une ville provinciale, dans la campagne loin de la mer, dans une grande maison, dans un lycée où les pas résonnent; la nuit commence sur les courts de tennis gelés en hiver, dans les gouttes de pluie prises sous la lumière jaune des lampadaires, dans les salles de cinéma où l'on s'enfonce pour oublier. La nuit est longue. Quand elle commence, je sais qu'elle va durer. Elle dure jusqu'à l'Allemagne. Elle dure à Paris. Elle imprime son rythme. Elle accompagne. Elle isole. Elle est dans les trajets en voiture jusqu'au lycée, dans les maux de ventre, dans les maux de tête. Elle est dans le ciel gris, dans l'ennui des paysages, dans la lourdeur des jours, dans l'indifférence des conversations, dans l'immobilité des gestes, dans le silence des corps. La nuit paralyse. Elle empêche de grandir. Elle retient. Elle apeure. Elle arrête le temps qui se construit. Les années passent. Elles se ressemblent. Elles fixent les mauvaises habitudes. Elles assèchent la vie. Elles aspirent, elles stérilisent. Elles me transforment en autre chose. Un mensonge. Un aveugle. Le vide des mois est pareil à une hypnose. Dans le vide il n'y a rien d'abord. C'est comme un deuil inconnu. Puis c'est le passage mécanique des semaines. C'est l'illusion que tout va bien puisque rien ne va vraiment mal. C'est le dégoût de soi qui s'installe dans le vide, qui le remplit. Le dégoût de soi qui mutile le corps, qui réduit et annule la chair, qui la marque et laisse des traces indélébiles. C'est la fatigue qui vient ensuite, qui coupe le désir, qui l'affaiblit, qui l'endort. C'est le retrait du monde seconde après seconde. C'est la nuit. C'est un vol. C'est une dépossession. 
Les livres font venir l'écriture, mais l'écriture ne reste pas. Longtemps l'écriture se refuse. Les livres demeurent. Ils ne sauvent pas. Ils ne guérissent pas. Ils sont là. Ils s'ajoutent. Ils sont les premières choses qu'on met dans les malles de voyage. Ils s'accumulent près du lit en tours instables. C'est le temps qui fait son oeuvre dans les plis de la vie, dans les plis de la nuit. Le temps s'allonge. Rien n'est bousculé pourtant, rien ne semble changer vraiment. Les modifications sont infimes et invisibles. Elles paraissent sans force tant elles sont petites. C'est un combat silencieux qui commence, qui se poursuit encore, c'est ma défense, c'est la colère qui surgit un jour, qui grandit depuis, qui est ma force, qui est brutale, qui m'échappe, qui s'allume, qui s'éteint avec et sans moi, avec ou sans moi.  L'écriture (re)part de là, elle s'y nourrit, elle y prend son allure, elle y réclame sa liberté.

Publicité
Commentaires
...LE RESTE...
Publicité
Publicité