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...LE RESTE...
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6 avril 2006

No cars go

Le temps ne frappe pas ici. C'est un désert. Long. Blanc.
Des instruments s'échauffent au début du concert. Puis c'est le silence. Long. Blanc.
Ma mère. Ses mains sur le volant. Serrées autour du cuir souple.
J'attends. Je ne compte plus les secondes qui passent. Le temps se dissoud dans le temps.
Port-Gentil est violent. A cause de l'eau qui gronde. A cause du bois flottant où les hommes ne tiennent plus en équilibre. A cause du marché vide. A cause des jeeps qui circulent.
Il y a des corps autour de moi. Dans l'église. Ils attendent l'eau qui baptise. La beauté de l'offrande. La beauté de ces visages aux lèvres libres, aux gorges longues, noires, élastiques.
Mon corps est misérable. Mon corps est encore indéfini. Je n'ai plus la mémoire de l'eau qui est tombée sur mon front. J'ignore sa signification quand je regarde la photo dans le tiroir de l'appartement de ma grand-mère. Quand je trouve une loupe pour essayer de voir l'eau qui est en suspension entre le vide et mon front.
Ici l'eau sort des fontaines cabossées. Ici l'eau s'appelle en baissant et rebaissant un levier vert de la taille du bras d'un monstre. Ici quand l'eau vient on crie. Fort. On danse en frappant dans ses paumes. Des coups secs. En tapant son talon contre le sol en terre. Ici l'eau n'est pas retenue comme sur la photo. Ici l'eau coule dans des bidons blancs tâchés de traces brunes au fond.
Dans l'église l'eau ne tombe pas du plafond en petites gouttes quand je l'appelle. Le plafond reste fermé. A jamais.
forest
A cause de ce que l'on a oublié.
Les langues claquent contre le palais. La colère est un bruit sourd. La colère est un serpent qui murmure un mensonge. Et c'est le feu. Dans l'église c'est le feu qui allume les grands cierges. C'est le feu qui passe de mains en mains. C'est le feu qui tient les gens debouts. La cire coule. Elle se pose, morte, sur les pouces, sur les doigts. Elle tombe aussi sur le sol en ciment et fait des tâches transparentes. Tout le sol est croûté de ces larmes solides qu'on doit gratter avec un couteau, avec une pointe de clou, pour laisser sur le sol des griffures. Ces griffures sont comme un langage. Un langage avorté. Une prière.
Les pages fines des missels. Les mots minuscules. Les mots sont chantés. Les pages tournées, retournées. Un bruit d'ailes froissées. Les visages sont baissés sur les pages fragiles. Les nuques sont lisses. Douces. A toucher. A caresser. Où glisse la lumière. J'ai peur qu'on devine que je ne prie pas. J'ai peur qu'on voit que je rêve, que j'ai envie de m'assoir, que j'ai envie de dormir un peu. Il faut se serrer un peu plus à mesure que l'église se remplit. Je suis collée contre ma mère. Sa hanche recouverte d'une jupe légère. Là je sais que la colère ne vient pas. Là je sais que la colère ne se pose pas. Je tiens mes mains ensemble. Je sens mes os. Durs. Je sens le banc derrière mes genoux. Dur lui aussi.
Les bouches entr'ouvertes. La chair du Christ. Les yeux se ferment. Mon coeur s'ouvre en deux.

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